J’en avais largement parlé en début d’année, le mois d’avril était synonyme de retour au travail. C’était une source d’angoisse sans nom pour diverses raisons.

Tout d’abord, les échanges avaient mal commencés début mars puisque ma chef avait annulé le rdv que nous avions convenues. Je souhaitais aborder avec elle à ce moment là plusieurs points comme celui des horaires. Mais elle m’a « coupé l’herbe sous le pied » en me demandant de ne pas venir. Alors que j’étais très motivée et pleine d’idées pour ma reprise, la couleur était annoncée et mon stress ré-enclenché!

Puis j’ai su que j’étais enceinte peu de temps après et surtout peu de temps avant de reprendre. C’était évidemment voulu et évidemment pas en rapport avec ma reprise, mais c’est arrivé à ce moment-là. Alors l’idée de devoir l’annoncer m’a également angoissée et pour cause, ç’a avait été déjà si mal vu que j’ose faire un enfant 2 ans plus tôt. Mais ma vie est comme ça, pas au boulot, surtout pas dans celui-ci, je n’avais rien à regretter et j’assumais pleinement nos choix.

La reprise s’est faite début avril. Par chance, j’ai repris en même temps que ma collègue qui revenait de congé parental elle aussi et laissait derrière elle son petit bébé pour la journée. Il faut dire que sans sa présence, je ne sais pas comment j’aurai fait. Au moins, à nous deux, les journées sont plus joyeuses, on rit, on papote, on se livre nos secrets et on grignote!

Et finalement, après quelques explications, tout s’est plutôt bien passé. Contre toute attente, ma chef et moi avons retrouvé une confiance réciproque l’une envers l’autre. Il faut dire que les épreuves des dernières années m’ont apporté beaucoup de maturité et de recul sur de nombreuses choses, dont les aléas du travail. J’ai essayé de laisser derrière moi les mauvaises choses qui m’avaient été faites et/ou dites (et rapportées) pour me concentrer sur le présent. L’avenir étant déjà bien clair dans ma tête, et uniquement dans la mienne.

C’est donc au bout de quelques semaines (3) que j’ai décidé de me confier à ma chef en lui annonçant ma grossesse et mes projets futurs. Bien que je n’attendais aucune félicitations (je la connais maintenant!), elle n’a pas été véhémente et a plutôt pris la nouvelle avec positivité en entendant mon choix de vie. Elle est bien placée pour connaitre nos conditions de travail pour comprendre également mes choix quant à l’avenir. Les semaines qui ont suivi se sont bien passées. Bien sûr, elle n’a jamais pris la peine de parler plus personnellement de cette grossesse et du bébé mais ça ne m’étonne pas du tout d’elle, je n’en attendais pas moins d’ailleurs.

boulot

Alors que tout se passait pour le mieux, le couac est arrivé mi mai, lorsque j’ai donné ma déclaration de grossesse (qu’elle m’a demandée!) et ainsi pu obtenir ma réduction de temps de travail de 20 minutes par jour comme le stipule notre convention collective. Tout a basculé. De son visage à l’instant t (alors que nous en avions parlé plusieurs semaines auparavant), à son comportement, sa façon de me parler, son regard et donc les actions qui en ont découlées.

Chaque employée enceinte bénéficie de 20 minutes de temps de travail en moins par jour à compter de la remise de la déclaration de grossesse. Pour Minouchette, ne voulant pas perturber l’équilibre de chacune, j’avais accepté de les prendre le matin et arriver un peu plus tard. De la sorte, je pouvais déposer mon Ptitchat à la crèche et me taper tous les bouchons…. Mais j’avais fait ce choix. Sauf que ce n’était pas légal et convenu dans la convention. Et comme pour des précédents on m’avait bien fait jouer les écrits de la convention, il n’était pas question que cette fois, on ne les applique pas. Et puis c’est une 3ème grossesse, je suis celle qui habite le plus loin du lieu de travail, j’avais besoin (et envie) de prendre ces 20 minutes en fin de journée pour pouvoir rentrer chez moi un peu plus tôt, me reposer, profiter un peu de mes enfants et éviter les embouteillages… Comme ce qui avait été fait pour les autres filles auparavant, dont l’une est une presque voisine. Sauf que cela ne m’a pas été accordé, les 20 minutes m’ont été imposées en fin de matinée. De la sorte, je me retrouvais avec 1h50 de pause tous les midis et 2h20 le mercredi, ce qui ne m’arrangeait pas du tout et n’était absolument pas judicieux puisque nous ne disposons pas de salle de repos, sommes situés en pleine zone industrielle donc il n’y a rien à côté et enfin bien trop loin et onéreux pour pouvoir rentrer chez moi me reposer, je n’en aurai d’ailleurs pas eu le temps!

C’est là que la guerre a été déclarée.

Le lendemain, malgré des litres de larmes versés à la maison et dans mon bureau, l’abasourdissement que j’avais eu mais que ma collègue aussi affichait, je suis quand même venue travailler, non sans avoir pris rdv avec mon médecin. Le surlendemain, en revanche, j’ai envoyé un mail à 6h44 précisément pour dire que je ne viendrai pas. J’ai expliqué la situation à mon docteur qui m’a mis en arrêt pendant 15 jours et m’a demandé de contacter la médecine du travail pour dénoncer ces agissements (ajoutés à d’autres faits). En rentrant, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai appelé ma big boss, la pd-g de l’entreprise pour savoir pourquoi elle m’avait refusé cet « arrangement ». Et contre toute attente, elle n’était pas au courant. La décision ne venait pas d’elle, contrairement à ce que m’avait dit ma chef de service. S’en est suivi plus de 2h de discussion au téléphone sur les conditions de travail, le salaire, la mise au placard que je ressentais depuis mon retour et tout un tas de choses. Et il s’est avéré assez rapidement que ma chef nous imposait certaines choses sous couvert de décision de la big boss alors que ce n’était absolument pas le cas. Elle n’assumait pas ses propres décisions, pire, elle ne transmettait pas les infos et requêtes que l’on pouvait avoir pour tout un tas de points, professionnels ou non. Autant dire que la big boss et moi tombions des nues en concertant nos informations respectives.

Dès le lendemain matin, je ressentais les premières contractions de cette grossesse, à 2 mois et demi. Certes, j’en avais eu de nombreuses pour mes précédentes grossesses (jusqu’à mon congé mat pour Minouchette!) mais surement pas aussi tôt. Le stress engendré était sans doute la raison principale de tout cela.

Au terme de cet arrêt maladie (prolongé d’une semaine), et dès mon retour au travail, j’ai appelé la médecine du travail, en ayant informé ma big boss auparavant. Je leur ai expliqué la situation, qu’ils ont trouvé aberrante. Ils m’ont demandé de regrouper un certains nombres d’éléments pour pouvoir les rencontrer. Leur demande s’est faite en deux temps et entre les deux appels, ma chef de service m’avait convoquée dans son bureau et d’un ton dédaigneux m’avait indiqué que ma pause était accordée en fin de journée. Comme me l’avait prédit mon médecin, elle n’est pas au-dessus de la médecine du travail…

La bataille était « gagnée » bien que je ne le ressentais pas comme ça. Je me sentais trahie, blessée, punie alors que je faisais mon travail du mieux possible. J’étais devenue la Mata Hari du bureau. Celle qui ose faire des enfants, qui ose vivre sa vie, qui ne vit pas que pour son boulot (et qui le voudrait pour à peine 1000€ par mois!!?), celle qui ose avoir des projets professionnels ailleurs que chez eux, celle qui va sans doute faire couler la boîte par son départ (on me l’avait déjà répété à maintes reprises pendant ma précédente grossesse mais ça n’était pas arrivé malgré le fait que je n’ai jamais été remplacée!), celle qui ose avoir 3 enfants alors qu’aucune femme au bureau n’a (encore) franchit ce « cap ».

Toujours est-il que l’ambiance était complètement plombée. J’ai travaillé 1 mois avec des contractions toutes plus pénibles les unes que les autres, en pleine canicule, sans clim (nous n’en avons pas), avec un ventilateur pour deux, dans des locaux à peine aérés. J’ai bu plus d’eau que ma vessie pouvait le supporter et ai donc passé plus de temps au petit coin que je l’aurai pensé! Mais au bout d’un mois, j’ai vu ma sage femme qui a constaté mon épuisement et m’a arrêté 15 jours. Ce qui tombait bien puisque les vacances suivaient.

A quelques semaines de ma reprise, je ne me sens pas plus enjouée d’être au bureau. Enfin peut être vers 18h après de nombreuses heures seules avec mes enfants au terme de 3 semaines de vacances…

Mais je me dis qu’il faut tenir bon, dans un peu moins de 3 semaines, je serai en congé maternité et je n’y retournerai donc pas puisque mes projets professionnels ne prendront plus jamais la direction de ce bureau. Moralement ce n’est pas facile, j’en ai marre de cette ambiance, j’en ai marre de me lever tous les matins, de laisser mes enfants pour gagner moins qu’en restant chez moi, mais vous comprenez, la société n’aime pas les gens qui sont chez eux… Physiquement, les kilomètres sont fatigants, les contractions sont toujours très présentes (entre 20 et 50 selon les jours) même si elle n’ont pas d’effet sur le col (dieu merci!), les douleurs ligamentaires ont fait leur apparition, les nausées ne sont pas complètement parties mais ce sont les aléas d’une grossesse…

Donc vous savez ce que je me dis dans ces moments-là? Que la force soit avec moi jeune padawan…